Il y a des moments dans la vie, où l'on fait un point sur le chemin parcouru. Des moments de pause, durant lesquels on mesure le travail effectué. On découvre alors si on a fait les bons choix. Et beaucoup de choses s'éclaircissent. Je suis arrivé sur le domaine familial en Juin 1995. Cela fait donc presque 21 ans que je prends soin de ce lieu. Car il s'agit bien de cela : j'ai choisi ce métier pour entretenir ce petit coin de campagne roussillonnaise et surtout, pour l'embellir du mieux que je peux. J'aime les beaux paysages. Et si j'ai commencé par planter trois cyprès à l'entrée du domaine en 1996 c'est sans doute pour lui donner des airs de Toscane ! Je pense être sur le bon chemin. J'ai atteint un premier but en ce début d'année 2016 : j'ai terminé la restructuration du vignoble. Il s'agit maintenant d'embellir les abords. Mais, pour moi, un domaine viticole doit créer lui-même les conditions de son évolution. Je ne voulais pas d'une "danseuse" (et je n'en avais d'ailleurs pas les moyens !). Tant d'endroits magnifiques vivent par des fonds extérieurs ! Cela n'enlève rien à leur beauté, ni aux qualités de leurs gestionnaires, mais je trouve qu'un domaine viticole est encore plus beau si ses fruits seuls nourrissent son existence même...
Et c'est là que le titre de ce post prend son sens : il fallait que j'apprenne à faire du vin. J'ai une âme d'agronome, le travail de la cave n'était pas ce qui m'attirait tout d'abord. Mais j'ai appris à l'aimer. J'ai appris la satisfaction de progresser, lentement (car c'est une des caractéristiques de ce métier : tout y est très lent. Un pâtissier qui essaie une nouvelle recette peut refaire le lendemain ce dont il n'est pas satisfait. Le vigneron, quand à lui, est obligé d'attendre un an avant de changer tel geste de vinification qui n'a pas donné le résultat escompté.) 21 ans d'apprentissage, 21 ans durant lesquels j'ai apprivoisé, petit à petit, le merveilleux métier qui consiste à faire du vin.
Oh ! j'ai encore beaucoup de choses à découvrir, mais je sais maintenant que ce choix initial était le bon. Certains trouveront que c'est long. Mais, je suis ainsi, il me faut beaucoup de temps pour être sûr de quelque chose. J'ai la chance d'être persévérant et de ne pas trop dévier de la ligne initialement tracée.
J'aime beaucoup l'opposition entre le domaine viticole qui est une trace tangible et durable et le vin qui, lui, est appelé par essence à disparaitre. Lorsque sonnera pour moi la retraite, j'aurais réalisé deux choses de natures totalement différentes et pourtant totalement liées l'une à l'autre : un domaine viticole que j'aurais embelli et que je laisserai à mes successeurs et des vins qui auront apporté du plaisir, de la joie et peut-être un peu de réconfort mais qui se seront inscrits dans l'instant de leur dégustation. Le métier de vigneron c'est cela : travailler à la fois le fugace et le permanent.
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